Apport en nature en SARL ou SAS : mode d’emploi
L’apport en nature, au même titre que l’apport en numéraire ou en industrie, peut être réalisé à deux moments : soit à la constitution d’une société soit à l’occasion d’une augmentation de son capital social. Concrètement, l’apport en nature consiste à transférer un bien du patrimoine de l’associé de SARL ou de l’actionnaire de SAS vers le patrimoine de la société. En SARL et SAS, cet apport répond à une procédure précise avec notamment son évaluation par un commissaire aux apports. On détaille pour vous toutes les étapes !
L’apport en nature, qu’est-ce que c’est ?
L’apport en nature dans une entreprise : définition
Pour constituer le capital social d'une société lors de sa création, les futurs associés en SARL ou actionnaires en SAS peuvent apporter :
une somme d’argent, appelée apport en numéraire
la propriété ou l’usage d’un de leurs biens personnels, appelé apport en nature
Les associés peuvent aussi apporter une compétence ou un savoir-faire particulier (apport en industrie), mais cela ne peut pas être comptabilisé dans le capital social de l’entreprise.
Une société peut avoir un capital social composé uniquement d’apports en nature.
Si un apport en nature s’opère souvent à la constitution de la société, il peut aussi s’effectuer lors d’une augmentation du capital au cours de la vie de la société. L’apport vient alors d’un associé / actionnaire actuel de l’entreprise ou d’un investisseur extérieur.
En contrepartie de son apport, l’apporteur (associé ou actionnaire déjà existant ou nouveau) reçoit alors des titres sociaux de l’entreprise : on parle de parts sociales en SARL et d’actions en SAS. Le nombre parts est proportionnel au montant de l’apport.
En EURL/SARL et SASU/SAS, la responsabilité d’un associé est limitée au montant de son apport : il participe aux dettes de l’entreprise à hauteur de la valeur des apports qu’il a effectués. Ses biens personnels ne seront pas saisis (sauf cas particulier). Par ailleurs, la part des bénéfices qui lui sont distribués en fin d’exercice est proportionnelle à la valeur de son apport par rapport au reste du capital social.
Un apport en nature peut être :
Matériel, comme un bien meuble (une machine, un stock de marchandises) ou un bien immeuble (un appartement, un garage)
Incorporel ou immatériel, donc non palpable, comme des parts d’une autre société, une clientèle, un droit au bail, ou encore un brevet
Les différentes formes d’un apport en nature
Une fois que vous avez déterminé le type d’apport en nature que vous souhaitez effectuer pour votre entreprise, il vous reste à en définir la forme que celui-ci va prendre. Il existe en effet différentes manières de céder ou mettre à disposition votre apport :
L’apport en propriété s’apparente à une vente : le bien apporté passe entièrement de votre patrimoine personnel au patrimoine de la société. Vous n’êtes plus propriétaire du bien. Si la société est dissoute, ce bien pourra être vendu pour rembourser les dettes de la société.
L’apport en usufruit vous permet de rester propriétaire du bien tout en accordant à la société l'usage du bien et l’éventuelle perception des revenus de votre bien (par exemple des loyers). Cet usufruit a une durée limitée à 30 ans : l’usage et les revenus du bien vous reviennent. En conséquence, la part des titres sociaux reçue est alors réduite.
L’apport en nue-propriété accorde à l’inverse la propriété du bien à la société, mais vous continuez d’en user et de percevoir ses revenus.
L’apport en jouissance s’apparente à une location du bien à la société : elle en a l’usage pendant une durée déterminée, mais ne peut en disposer ou percevoir les revenus comme c’est le cas avec l’usufruit.
Si vous êtes marié sous le régime de la communauté, un apport en nature d’un bien commun dans une SARL et en SAS nécessite l’accord de l’époux. Sinon, l’apport sera considéré comme n’ayant jamais existé. L’époux de l'apporteur en SARL peut revendiquer ou renoncer à la qualité d’associé. Ce n’est pas le cas en SAS.
Conditions et responsabilités de l’apporteur
Qui peut réaliser un apport en nature ?
Vous devez remplir les 3 conditions suivantes pour faire un apport en nature :
Être une personne physique (un individu) ou morale (une société)
Pouvoir prouver que vous êtes le propriétaire du bien
Être capable juridiquement : vous n’êtes donc pas un mineur non émancipé ou un majeur placé sous tutelle ou curatelle (sauf accord du juge des tutelles ou curatelles)
Pour aller plus loin : Personne physique et personne morale, quelles différences ?
L’engagement de l’apport par écrit
Conformément au droit en vigueur, l’apporteur doit obligatoirement s’engager par écrit :
Si l’accord intervient à la constitution de la société, il doit être notifié dans les statuts ou dans un acte distinct (contrat d’apport). Dans ce dernier cas, l’acte devra être annexé aux statuts constitutifs.
Si l’accord intervient en cours de vie de la société, l’apporteur doit rédiger un contrat d’apport.
La responsabilité de l’apporteur
En tant qu’apporteur, vous devez protéger la société contre 2 risques :
L’éviction : la société doit pouvoir utiliser le bien en toute tranquillité et ne pas craindre d’en perdre l’usage. Cela peut arriver par exemple si l’associé se fait expulser d’un immeuble objet de l’apport.
Les vices cachés : le bien ne doit pas être cassé ou révéler de défaut qui le rendrait inutilisable pour l’usage auquel il est destiné.
Si l’une de ces garanties manque, l’associé / actionnaire peut être amené à dédommager la société en payant des dommages-intérêts.
Comment évaluer la valeur d'un apport en SARL et SAS ?
Pourquoi est-ce important ?
L’évaluation de la valeur du bien est essentielle, car l’apport aura un impact sur le montant du capital social ainsi que sur le nombre d’actions ou parts attribuées à l’apporteur.
Si l’apport en nature est surestimé, qu’il se voit attribuer une valeur supérieure à sa valeur réelle, cela entraîne plusieurs risques puisque la « santé » de l’entreprise est faussée. Cela affecte le jugement de tiers, comme des investisseurs et les créanciers, mais aussi des associés / actionnaires. Ces derniers peuvent être amenés à payer de leur poche pour combler le manque d’argent de la société en cas de difficultés financières.
L’associé apporteur détiendra quant à lui plus de titres qu’il n’aurait dû recevoir, donc plus de parts aux bénéfices. Cela au détriment d’une répartition équitable entre les associés / actionnaires.
En cas de sous-estimation, l’apporteur se verra attribuer moins de titres qu’il ne devrait en recevoir donc moins de bénéfices.
L’intervention du commissaire aux apports en SARL et SAS
La désignation du commissaire aux apports par les associés/actionnaires
Pour pallier ces risques, un commissaire aux apports (CAA) a pour mission d’évaluer de manière impartiale la valeur d’un bien.
Ce commissaire aux apports peut être désigné à l’unanimité au cours d’une assemblée générale extraordinaire par l’ensemble des associés ou actionnaires en SARL et SAS.
Dans le cas des EURL et des SARL, lorsque l’apport en nature a lieu pour la constitution de la société, les associés peuvent décider à l’unanimité de ne pas recourir à un commissaire aux apports lorsque les deux conditions cumulatives suivantes sont remplies :
Chacun des apports en nature a une valeur inférieure à 30 000 €
La valeur totale des apports en nature n’excède pas la moitié du capital social
La loi Sapin 2 du 9 décembre 2016 a étendu cette dispense aux SAS lors de la constitution de la société.
En revanche, un apport en nature en cours de vie d’une SAS, SASU, EURL ou SARL requiert obligatoirement la désignation d’un commissaire aux apports.
Dans les EURL et SASU, l’associé unique peut choisir de désigner lui-même le commissaire aux apports.
La désignation du commissaire aux apports en cas de désaccord entre les associés ou actionnaires
S’il n’est pas voté à l’unanimité ou refusé par les associés ou actionnaires, le représentant légal de la société peut envoyer, conformément au droit en vigueur, une requête au Président du Tribunal de commerce qui désignera lui-même un commissaire aux apports.
Cette requête est à déposer en deux exemplaires originaux, signés et datés par le représentant légal, qui peut d’ailleurs suggérer le nom d’un commissaire aux apports.
Le commissaire aux apports désigné ne peut jamais être le commissaire aux comptes de la même société, même si le représentant légal a suggéré son nom dans la requête.
Le rapport d’évaluation du commissaire aux apports
Le commissaire aux apports remet ensuite un rapport d’évaluation du montant de l’apport en nature aux associés. Ce rapport émet des recommandations d’évaluation que les associés peuvent décider de ne pas suivre. Ces derniers procèdent à un vote (dont est exclu l’apporteur) afin de valider ou non l’estimation du commissaire.
Si les associés retiennent une valeur supérieure à l’évaluation retenue par le commissaire aux apports, ils assument solidairement et pendant 5 ans la valeur qu’ils auront donnée à l’apport en nature (article L.223-9 al. 4 du Code de commerce).
Faites attention : une surévaluation dite frauduleuse est punie par le droit français avec des sanctions pénales pouvant aller jusqu’à 5 ans d’emprisonnement et une amende de 9 000 €. Un apport surévalué sous pression ou selon une méthode inappropriée sont des exemples de fraude. Le recours à un commissaire reste donc recommandé dans tous les cas.
Quelle que soit la forme juridique de votre entreprise, le rapport du commissaire aux comptes peut être contesté sur envoi d’une lettre recommandée par le dirigeant de la société. Si la mauvaise évaluation cause un tort à un associé ou à la société, la responsabilité du commissaire peut être engagée.
Le coût d’un commissaire aux apports varie selon la difficulté d’évaluation du bien, pour des honoraires entre 500 € et 3 000 € en moyenne. S’il intervient suite à une requête, il faudra ajouter 33,37 € (frais postaux inclus).
À la constitution de la société, ce rapport est annexé aux statuts constitutifs. Dans le cas d’une augmentation de capital, le rapport est déposé au greffe du tribunal de commerce et annexé à l’acte constatant la réalisation de l’augmentation de capital.
La libération de l’apport en nature
Une fois le bien évalué, il faudra soit libérer l’apport, soit transférer la propriété du bien à la société :
À la date d’immatriculation de la société au Registre du commerce et des sociétés (RCS) en cas de constitution de la société
À la date de réalisation définitive de l’augmentation de capital
Contrairement à l’apport en numéraire, l’apport en nature doit être entièrement libéré. Par définition, cela signifie que la propriété du bien revient intégralement à la société dès sa création ou dès la signature de l’augmentation du capital.
Si l’apport est un bien immobilier, il doit être enregistré auprès du service des impôts des entreprises (SIE) du lieu d’établissement du siège social de l’entreprise et ensuite publié au service de publicité foncière du lieu d’implantation de l’immeuble (article 635 du Code général des Impôts). Vous pouvez faire cette démarche par mail ou en vous déplaçant au service de publicité foncière dont vous dépendez.
Pour aller plus loin : La libération du capital social d’une société
Apport en nature immatériel : formalités supplémentaires
Les apports en nature d’éléments immatériels font l’objet de formalités supplémentaires :
Des droits sociaux sont notifiés par acte authentique à la société.
Un brevet doit obligatoirement faire l’objet d’un écrit et doit être notifié à l’INPI pour qu’il soit mentionné au registre national des brevets.
Une marque ou licence de marque fait aussi l’objet d’un écrit et est déposé à l’INPI.
Un fonds de commerce doit être déclaré à la commune et déposé au CFE en plus de la production d’un écrit.
Vous savez désormais comment réaliser un apport en nature ! N’hésitez pas à contacter nos conseillers Simplitoo pour vous aider dans vos démarches de création de société, de la création des statuts à sa gestion quotidienne. Peu importe la forme juridique de votre société (SASU, SAS, EURL ou SARL), nous sommes là pour répondre à vos questions et vous guider de A à Z !