EIRL : Pourquoi ? Comment ?
L’Entreprise Individuelle à Responsabilité Limitée (EIRL) est un statut juridique. La différence majeure avec l’Entreprise Individuelle (EI) ? Permettre à l’entrepreneur de placer à l’abri son patrimoine personnel en cas de difficultés financières. Comment ? Grâce à la création d’un patrimoine d’affectation. On vous explique tout !
Qu’est-ce que l’EIRL ?
L’Entreprise Individuelle à Responsabilité Limitée (EIRL) est un statut juridique proche de celui de l’Entreprise Individuelle (EI) dont l’avantage principal est de permettre à l’entrepreneur d’avoir plus de liberté dans l’exercice de son activité professionnelle. Il continue cependant de bénéficier de certaines garanties offertes par les sociétés à responsabilité limitée.
Un statut intermédiaire à celui des sociétés
C’est dans une optique de promotion et d’encouragement de l’entrepreneuriat français que le statut d’EIRL a été créé en 2010, puis précisé et modifié en 2019 avec la loi PACTE.
Mais pourquoi créer un nouveau statut alors que tant d’autres existent déjà ?
C’est simple ! Le recours à l’emprunt étant le moyen de financement privilégié de l’Entrepreneur Individuel, celui-ci expose nécessairement ses patrimoines personnel et professionnel en cas de difficultés financières. En effet, sans EIRL et sans déclaration d’affectation, les créanciers professionnels peuvent se servir dans vos deux patrimoines en cas de difficultés financières.
Contrairement aux statuts des Sociétés (SAS, SASU...) qui protègent généralement le patrimoine personnel de l’associé face à ses créanciers, le statut de l’Entreprise Individuelle (EI) ne protège pas l’entrepreneur de ses créanciers. Une mauvaise décision de gestion pourrait alors engendrer une saisie de ses biens personnels.
C’est pourquoi la création du statut d’EIRL a permis d’instaurer un régime de protection des biens pour l’entrepreneur individuel largement inspiré de celui offert par les Sociétés.
Un régime de protection des biens de l’Entrepreneur Individuel
Vous vous demandez sûrement pourquoi les patrimoines personnels et professionnels sont initialement confondus pour l’Entreprise Individuelle ? La réponse nécessite une petite explication.
En droit français, un patrimoine se définit comme l’ensemble des biens, droits et obligations d’une personne.
Lors de la création d’une entreprise (et non d’une société), les patrimoines personnel et professionnel de l’entrepreneur sont confondus. On parle du principe d’unicité du patrimoine de l’entrepreneur individuel.
Cela signifie qu’il existe une confusion entre le patrimoine personnel et professionnel de l’entrepreneur dans l’exercice de son activité commerciale.
Concrètement, cela donne aux créanciers professionnels la garantie d’obtenir le paiement de leur créance. En pouvant saisir les biens personnels de l’entrepreneur en plus de ses biens professionnels en cas de difficulté, les chances de se faire rembourser sont plus grandes. Un élément rassurant pour les créanciers, mais moins sympathique pour les entrepreneurs.
Paul exerce une activité agricole et détient à son domicile une œuvre d’art et une moissonneuse-batteuse. Nous sommes d’accord : la moissonneuse-batteuse est utilisée pour son activité agricole contrairement à son oeuvre d’art. En tant qu’Entrepreneur Individuel (EI) et donc sans régime de séparation des biens, la moissonneuse tout comme l’oeuvre d’art peuvent être saisies par ses créanciers professionnels.
Les caractéristiques de l’EIRL
En choisissant l’EIRL, vous limitez votre responsabilité financière. Autre possibilité offerte : opter pour l’Impôt sur le Revenu (IR), ce qui n’est pas possible avec une EI simple qui est uniquement soumise à l’Impôt sur les Sociétés (IS).
La protection du patrimoine personnel de l’entrepreneur
Le statut de l’EIRL offre à l’entrepreneur un patrimoine spécialement affecté à son activité professionnelle : c’est le patrimoine d’affectation. Seuls les biens présents dans ce patrimoine pourront être saisis par les créanciers professionnels.
Que contient le patrimoine d’affectation ? Il est obligatoirement composé des biens, des droits, des obligations et des sûretés dont l’entrepreneur est titulaire et qui sont nécessaires à l’exercice de son activité professionnelle. Éventuellement, l’entrepreneur peut y inclure des biens qui lui sont simplement utiles.
À quoi sert-il ? Le créancier professionnel peut uniquement saisir des biens qui composent le patrimoine d’affectation de l’entrepreneur. L’entrepreneur décide lui-même d’exposer tel ou tel bien à l’action des créanciers.
Reprenons l’exemple de Paul qui exerce une activité agricole. S’il opte pour le régime juridique de l’EIRL, ses patrimoines personnel et professionnel seront scindés. Il intégrera dans son patrimoine d’affectation la moissonneuse-batteuse en tant que bien nécessaire à l’exercice de son activité professionnelle. L’œuvre d’art quant à elle fera partie de son patrimoine personnel. Ainsi, en cas de difficulté financière, seule la moissonneuse-batteuse pourra être saisie. L’œuvre d’art ne sera pas exposée aux actions des créanciers.
Un régime fiscal sur option
Dans une EIRL, les bénéfices de l’entrepreneur sont en principe imposés directement au titre de l’impôt sur le revenu (IR).
Cependant, par simple information auprès des services des impôts, l’entrepreneur d’une EIRL peut opter pour l’Impôt sur les Sociétés (IS).
Attention, l’entrepreneur restera soumis à l’IR pour la part de bénéfice qu’il se distribuera. Il sera donc imposé à la fois au niveau de son entreprise par l’IS puis au titre de l’IR sur les sommes qu’il se sera versées. Exemple : Prenons le cas d’une EIRL soumise à l’IS. Si l’entreprise réalise un chiffre d’affaires de 40 000 €, elle sera imposée à l’IS au taux en vigueur. Par la suite, si l’entrepreneur décide de se verser la somme de 2 000 € sur son compte personnel (un équivalent de salaire), il sera imposé au titre de l’IR lorsqu’il fera sa propre déclaration d’impôt.
Constituer une EIRL
La constitution d’une EIRL est immédiate : elle existe dès le dépôt de la déclaration d’affectation du patrimoine.
La déclaration d’affectation du patrimoine
Une fois la déclaration déposée auprès du registre légal associé à votre activité : votre patrimoine d’affectation est constitué.
Depuis la loi du 18 juin 2014, la déclaration d’affectation du patrimoine n’est plus soumise au paiement d’un droit fixe d’enregistrement.
Cependant, votre déclaration doit s’accompagner d’une description de l’ensemble des biens, des droits, des obligations ou des sûretés affectés à votre activité professionnelle d’entrepreneur. Si un ou plusieurs biens ont une valeur inférieure à 500 €, ils doivent être regroupés avec d’autres.
La loi Pacte du 22 mai 2019 supprime l’obligation de recourir à un expert pour évaluer les biens d’une valeur supérieure à 30 000 €. Auparavant, tout élément d’actif du patrimoine affecté d’une valeur supérieure à 30 000 € faisait l’objet d’une évaluation annexée à la déclaration et établie par un commissaire aux comptes, un expert-comptable, une association de gestion et de comptabilité ou un notaire. Aujourd’hui, vous pouvez rédiger seul votre déclaration d’affectation de patrimoine.
Vous pouvez consulter en ligne le modèle type d’état descriptif à joindre dans votre déclaration.
Si un bien commun ou indivis (bien dont plusieurs personnes sont propriétaires à parts égales dans le cadre d’une indivision) est affecté, l’accord exprès du conjoint ou des co-indivisaires doit être apporté. Par ailleurs, l’entrepreneur doit informer son conjoint ou ses co-indivisaires des droits des créanciers sur le bien affecté en cas de difficulté.
Les effets juridiques de la déclaration d’affectation
Une fois que votre EIRL est constituée, le droit des gages des créanciers est réduit : seuls les biens présents dans votre patrimoine d’affectation peuvent être saisis.
Le droit de gage des créanciers est la garantie pour tout créancier d’obtenir le paiement de sa créance sur les biens de son débiteur. Cette garantie est plus ou moins large selon la valeur des biens que le débiteur détient.
La déclaration d’affectation devient opposable de plein droit aux créanciers dont les droits sont nés postérieurement à son dépôt. Cela signifie que les créanciers dont les créances professionnelles sont nées après la constitution du patrimoine d’affectation ont leur droit de gage limité au patrimoine d’affectation de l’entrepreneur.
Inversement, les créanciers dont les créances sont nées avant la déclaration, peuvent toujours saisir les biens personnels de l’entrepreneur pour obtenir le remboursement de leur créance.
Reprenons une nouvelle fois l’exemple de Paul. Le 16 décembre 2018, Paul a fait un prêt bancaire pour financer l’achat de sa moissonneuse-batteuse. Or, le 2 janvier 2019, Paul décide de transformer son entreprise en une EIRL et dépose sa déclaration d’affectation dans laquelle il dresse une description de sa moissonneuse. Désormais, la moissonneuse-batteuse fait partie de son patrimoine d’affectation. Seule la moissonneuse-batteuse pourra être saisie par les créanciers professionnels de Paul en cas de difficulté financière. Cependant, et par exception, la banque peut quand même saisir les biens personnels de Paul pour obtenir le remboursement du prêt en cas de difficulté. Pourquoi ? Car le prêt a été conclu antérieurement à la déclaration d’affectation qui n’est effective qu’à partir du 2 janvier 2019.
En revanche, les biens de votre patrimoine personnel seront toujours susceptibles d’être saisis par vos créanciers non professionnels, peu importe l’existence ou non d’un patrimoine d’affectation.
Si vous vous rendez coupable de fraudes fiscales, l’administration fiscale pourra toujours obtenir le paiement des taxes qui lui sont dues en saisissant au choix vos biens professionnels ou personnels. La déclaration d’affectation n’a ici aucun effet.
En définitive, le statut de l’EIRL se révèle être un outil juridique très utile si vous souhaitez faire évoluer votre entreprise tout en limitant les risques auxquels vous vous exposez.
Notre article vous a conforté dans votre volonté de création d'entreprise et peut-être d'une EIRL ? Nous pouvons vous accompagner !